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Théorie du pot-au-feu

Avant d’entrer en matière, il est, croyons-nous, de toute rigueur d’expliquer en quelques lignes, par une théorie un peu développée, cette opération si simple qu’on nomme pot-au-feu et qui, en somme, est une action toute chimique.

Nous allons donc la suivre dans toute sa marche. Toute viande est composée principalement de fibres, de graisse, de gélatine, d’osmazône et d’albumine .

Les fibres sont insolubles ; elles constituent presque seules ce qui reste de la viande lorsqu’elle a subi une longue ébullition.

La graisse est soluble par l’ébullition ; mais comme elle est enveloppée dans des cellules formées par une membrane très fine qui ne se dissout pas, une partie de la graisse se retrouve toujours adhérente aux fibres ; l’autre partie surnage sur le bouillon, c’est celle qui s’est échappée des cellules qui n’étaient pas entières ou qui ont été brisées par l’ébullition.

La gélatine est soluble. C’est elle qui, lorsqu’elle est abondante, fait prendre le bouillon en gelée.

De nombreux auteurs, anciens et modernes, ont prétendu qu’elle était fort nourrissante, mais il est maintenant prouvé que toute seule elle n’a que de très contestables qualités nutritives. La preuve en est qu’un bouillon composé presque exclusivement de veau, os, jarret, ou même de parties nerveuses telles que le collet, est singulièrement rafraîchissant.

L’osmazône, qui est soluble même dans l’eau froide, donne au bouillon sa saveur et son parfum.

L’albumine est de même nature que le blanc d’œuf ; elle est soluble à l’eau froide ou tiède, et se coagule à un degré inférieur à celui de l’eau bouillante.

Cela dit, il est évident que si l’on mettait la viande dans la marmite, lorsque l’eau bout, l’albumine se coagulant à l’extérieur empêcherait la dissolution des principes nutritifs et l’on n’obtiendrait qu’un bouillon médiocre.

C’est donc une grande erreur de croire gagner du temps en faisant bouillir la marmite avec rapidité : la viande se racornit, devient mauvaise, le bouillon n’a pas les qualités qu’il devrait avoir.

Ce qui le prouve, c’est qu’en mettant dans la marmite un gros morceau de viande, on l’en retire après cuisson toujours moins épuisé qu’un petit, quoiqu’on l’ait fait bouillir le même laps de temps relativement à sa grosseur.

Il est dans l’usage, de quelques personnes du moins, de mettre avec excès des os dans le pot-au-feu et de croire par là le bonifier sensiblement ; d’autres conseillent de ne pas en mettre du tout.

Il y a cependant un juste milieu : un bouillon composé presque exclusivement d’os serait tout à fait dépourvu de sapidité ; un autre obtenu avec la viande seule serait très bon et nutritif en vérité, mais l’adjonction de quelques os choisis lui donne cette onctuosité qui flatte si agréablement le sens gustatif.

D’après ces quelques données tout à fait chimiques, il est facile de connaître la marche à suivre pour avoir un bon bouillon et obtenir en même temps un morceau de viande mangeable, c’est-à-dire ayant encore quelque chose de savoureux.

Une dernière observation pour terminer : ne pas laver la viande, ainsi que le font de nombreuses personnes, en la faisant séjourner des minutes entières dans l’eau tiède, pour la débarrasser soi-disant des parties impures. En opérant ainsi, on ne fait que dissoudre une partie de l’osmazône, en pure perte.

Si elle a réellement besoin d’être lavée, ne le faire que superficiellement et lestement, sans la laisser tremper.

On peut aussi ajouter une poule au pot-au-feu : certaines personnes aiment à adjoindre, au morceau de bœuf, un morceau de gigot de mouton du côté du manche. Le bouillon n’en est que meilleur ; tout ceci est affaire de goût.

On tiendra compte d’une chose, c’est que, au cas où l’on ne voudrait pas servir le bouilli, on pourrait prolonger la cuisson d’une heure ou deux ; le bouillon ne serait que plus chargé en qualités nutritives.

Quand nous disons trois heures d’ébullition, c’est que nous supposons que le bœuf paraîtra sur la table.

Une coction plus longue n’en ferait qu’un morceau de viande insipide. Si, au lieu de culotte, l’on prenait du gîte, trumeau ou poitrine, il faudrait alors prolonger de beaucoup l’ébullition, ces parties-là étant bien plus dures.